Hubert Pelletier et Yves de Fontenay, lauréats

Architectes

Les architectes Hubert Pelletier et Yves De Fontenay, fondateurs de la firme Pelletier de Fontenay, ont soumis ce compte-rendu suite à la réalisation de leur projet de perfectionnement intitulé «Architectures de la nature captive». Les lauréats de la bourse Phyllis-Lambert 2015 partagent leur vision l’architecture d’aujourd’hui, et expliquent le rôle qu’a joué la Bourse dans leur cheminement au cours des deux dernières années.


L'architecture et le projet

Les disciplines du design n’échappent pas à l’accélération universelle qui caractérise le travail contemporain. Tout doit être conçu, développé, dessiné et produit de plus en plus rapidement. Le temps nécessaire pour penser et approfondir un sujet devient un luxe de plus en plus rare. C’est avec ce contexte en tête que nous avons soumis notre candidature à la bourse Phyllis-Lambert. Nous cherchions, même brièvement, à suspendre un instant les impératifs professionnels et à créer ce moment privilégié où l’ont peut plonger dans le monde des idées, des concepts, de l’histoire, de la recherche.

Le projet proposé, «Architectures de la nature captive», s’intéresse aux institutions qui font la scénographie de la nature, morte ou vivante: jardins zoologiques et botaniques, aquariums, musées d’histoire naturelle. Notre intérêt pour ces institutions est né avec notre sélection, au sein d’un consortium, comme équipe d’architectes responsables de la transformation de l’Insectarium de Montréal. Ce projet nous a confrontés à un univers conceptuel totalement nouveau, celui de la scénographie de la matière vivante, et nous ressentions un vif besoin de prendre le temps de mieux comprendre à la fois la nature de ces institutions, l’histoire des idées qui y sont associées, et l’architecture qui les incarne.

Être lauréats de la Bourse Phyllis-Lambert nous a donné les moyens, d’une part, de se dégager du temps pour approfondir notre sujet, et, d’une autre part, de se déplacer afin de voir en personne les institutions que nous voulions mieux connaitre. Au cours de deux voyages différents, nous avons pu visiter quatre villes d’Allemagne: Berlin, Hanovre, Mannheim et Heidelberg, chacune de ces villes faisant partie du Réseau des villes créatives de l’UNESCO. La présence des institutions de la nature en Allemagne remonte loin dans l’histoire, et cette profondeur historique nous offrait une perspective fascinante qu’il nous était impossible d’avoir au Québec, car la fondation de nos institutions locales remontant seulement aux années 1950.

Méthodologie : la documentation photographique 

Lors de nos visites, nous avons fait une documentation photographique extensive de ces institutions. L’objectif de cet exercice était de révéler les liens entre la façon de penser le rapport humain-nature et la façon d’organiser l’espace architectural et scénographique. Nous nous sommes attardés autant aux paysages, aux formes architecturales qu’aux dispositifs d’exposition. Une attention particulière à été portée aux conditions de la nature captive, vivante ou morte : enclos, murs, enveloppes, cloisons vitrées, cabinets, tiroirs, grillages, pots, cages, filets, cloches, etc.

Par exemple, nous avons analysé comment la scénographie tente d’effacer presque systématiquement la cage traditionnelle pour la remplacer par toute sorte de dispositifs de contrôle invisibles, créant de savantes illusions qui semblent faire disparaitre les frontières entre les spécimens et le spectateur. Nous avons étudié l’univers des serres et les ambiances immersives qu’elles créent en reproduisant le climat, la chaleur, l’odeur et l’humidité de biotopes exotiques ou lointains. Nous avons admiré les juxtapositions surréalistes entre le monde des animaux et celui de la ville, avec par exemple, ces visions étranges d’éléphants sur fond de tours en construction au centre-ville de Berlin.

De la masse importante d’images que nous avons rapportées, certaines se sont mises à émerger comme symboliques d’aspects conceptuels importants que nous avions cernés lors de nos visites. Pour chaque thématique, un paragraphe synthétisant nos réflexions conceptuelles a été écrit et le tout a été colligé dans un document qui sera publié plus tard en 2017. Ce travail de recherche et de réflexion nous aura permis de clarifier l’univers conceptuel qui entoure ces institutions qui mettent en scène la nature. C’est un complément fondamental à notre travail d’architectes sur le projet de l’Insectarium de Montréal qui est en cours.

Les retombées concrètes

Ce projet rendu possible par la Bourse Phyllis-Lambert à été présenté lors d’une conférence et d’une exposition à l’École d’architecture de l’Université McGill en janvier 2017. Il sera également à la Maison de l’architecture du Québec au cours de l’hiver 2017. D’autres formes de communication sont à prévoir dans un futur rapproché. Cette diffusion nous apporte déjà une reconnaissance importante de la part de nos pairs et nous a aidés à nous établir comme une jeune firme prometteuse et engagée.

De façon concrète, la Bourse Phyllis-Lambert nous beaucoup aidé à nous faire connaitre du public et des médias. Elle nous a permis de financer un projet de perfectionnement à l’étranger qui n’aurait pu être possible autrement. D’un point vue plus personnel, la Bourse fût également un moment privilégié de réflexion, une opportunité de faire l’expérience physique des choses, et elle a été le point de départ de plusieurs rencontres et contacts établis à l’étranger.

Dans un monde où notre compréhension se fait de plus en plus de façon indirecte ou virtuelle, les objets complexes comme l’architecture, la scénographie et le paysage doivent encore être vécus et expérimentés directement. Nous avons eu le plaisir de nous immerger dans des œuvres exceptionnelles, d’intégrer à notre réservoir imaginaire une foule d’expériences in situ, une foule de références qui constituent la matière première de la création.

- Hubert Pelletier et Yves de Fontenay, février 2017