Avant toute chose, il importe de se doter d’une compréhension commune de la qualité. Qu’est-ce que la qualité en design et en architecture? Comment en parler, la décrire et la caractériser? Comment définir les objectifs de qualité d’un projet et comment les atteindre, par quelles stratégies et actions? Quelles sont ses retombées potentielles? Quelle est l’envergure des investissements qu’elle requiert? En répondant à ces questions, nous démontrons que la qualité ce n’est pas un luxe, mais bien un atout. C’est la clé pour atteindre un développement urbain responsable et pérenne pour les générations actuelles et futures.
Pour plus d'information sur la posture de la Ville de Montréal envers la qualité en design et en architecture, consulter l'Agenda montréalais 2030 pour la qualité et l'exemplarité en design et en architecture.
Ce qu’il faut retenir
La qualité en design et en architecture, c’est :
- Une notion multidimensionnelle;
- Une planification adéquate et des études préalables;
- Une prise en compte des attentes et des besoins des usagers et usagères et des communautés;
- Des objectifs de qualité concertés et changeant selon les contextes;
- Une démarche ouverte, collaborative et ancrée dans le dialogue;
- Des stratégies et des actions pouvant être mises en place à toutes les étapes du projet;
- Des investissements planifiés et priorisés en fonction des objectifs du projet;
- Un potentiel d’optimisation des coûts de construction, d’exploitation et d’entretien;
- Un moteur d’attractivité économique, de rétention des talents et d’identité distinctive.
Qu’est-ce que la qualité
« La qualité est une chose insaisissable, mais ce n’est ni une affaire subjective de goût ni une question purement formelle. L’expérience individuelle de la qualité d’un lieu varie selon les conditions de vie d’un individu, sa prospérité ou sa pauvreté, son âge et son mode de vie. Il est cependant possible d’identifier des dénominateurs communs et des valeurs de la qualité et de les évaluer objectivement. La qualité est une notion dynamique et une évaluation de la qualité d’un lieu peut varier selon le moment choisi. Il faut considérer la situation spécifique. »
Système Davos de qualité pour la culture du bâti, 2018
La notion de qualité revêt ainsi un caractère complexe et contextuel. Les attentes des différentes parties prenantes d’un projet peuvent varier, voire diverger, en fonction de leurs perceptions et de leurs besoins respectifs. Ces attentes peuvent changer dans le temps et l’espace et peuvent s’exprimer en amont, durant et en aval de la période de réalisation d’un projet. La qualité doit donc s’apprécier de manière collaborative, à toutes étapes d’un projet, de la planification, à la conception, à la réalisation et durant toute sa durée de vie (son cycle de vie).
Dans cette perspective, la mise en œuvre de la qualité commence par l’énoncé de vision d’un projet et se concrétise durant les étapes de réalisation, avec des stratégies choisies qui favorisent l’atteinte des objectifs fixés.
Les dimensions de la qualité
Le design et l’architecture sont des pratiques transversales qui peuvent agir sur diverses dimensions de la qualité du cadre de vie et contribuer aux grands objectifs de développement durable. L’Agenda montréalais 2030 pour la qualité et l’exemplarité en design et en architecture se positionne envers six grandes dimensions de la qualité :
« La qualité en design et en architecture participe à la création d’une ville qui favorise la santé et le bien-être de tous et toutes, est plus équitable, plurielle et inclusive socialement, plus responsable écologiquement, plus performante économiquement, plus attractive et épanouissante culturellement et plus résiliente aux crises et aux changements. »
Comment le design et l’architecture peuvent-ils contribuer à une plus grande qualité des cadres de vie montréalais? Voici quelques pistes de réflexion pour chacune des dimensions de la qualité :
- Mitiger les impacts des aléas climatiques
- Mitiger les impacts des aléas industriels
- Minimiser les besoins en ressources et services essentiels
- Offrir des moyens d’adaptation rapide des usages
- Faciliter les interventions en situation d’urgence ou de crise
Pour en savoir plus sur la dimension de la résilience.
- Contribuer à l’atteinte des objectifs de carboneutralité
- Utiliser les ressources de façon responsable
- Contribuer à la richesse des milieux naturels
- Réduire la pollution environnementale
- Réduire les impacts environnementaux sur tout le cycle de vie
Pour en savoir plus sur la dimension environnementale.
- Contribuer à la prospérité du quartier
- Renforcer l’attractivité du quartier
- Considérer les coûts-bénéfices sur l’ensemble du cycle de vie
- Être à l’épreuve des mouvements de tendance
- Offrir des possibilités de mutualisation
- Miser sur la qualité des espaces communs et des services
- Intégrer des technologies écoénergétiques
Pour en savoir plus sur la dimension de la performance économique.
- Reconnaître, protéger et mettre en valeur l’histoire du lieu
- S’insérerde manière respectueuse dans son contexte
- Renforcer l’expérience vécue
- Favoriser une vie culturelle et artistique riche et diversifiée
Pour en savoir plus sur la dimension culturelle.
- Répondre aux besoins des usagers et usagères de manière équitable
- Rendre le lieu accessible au plus grand nombre
- Contribuer au sentiment d’appartenance
- Améliorer les dynamiques du vivre-ensemble
- Trouver des modes de cohabitation
Pour en savoir plus sur la dimension de l'équité, diversité et inclusion.
- S’intéresser au bien-être émotionnel des usagers et usagères
- S’intéresser au bien-être physique des usagers et usagères
- Réduire les risques pour la santé
- Offrir des lieux et équipements sécuritaires
- Contribuer à l’épanouissement des usagers et usagères
Pour en savoir plus sur la dimension santé et bien-être.
Ces dimensions de la qualité sont intrinsèquement liées les unes aux autres
Un geste exemplaire en matière d’environnement (p. ex. : activité d’agriculture urbaine prise en charge par un groupe communautaire de réinsertion sociale) peut engendrer des impacts sur la résilience aux crises (p. ex. : sécurité alimentaire), la performance économique (p. ex. : revenus de transformation et de commercialisation des produits frais), l’inclusion, l’équité et la diversité (p. ex. : valorisation d’une population vulnérable) et la santé et le bien-être (p. ex. : sentiment d’accomplissement, développement d’habiletés).
Tout projet peut contribuer à ces grands objectifs. À cette fin, l’essentiel est d’évaluer, en amont et de manière concertée, où agir afin d’avoir le plus grand impact possible. La Vision qualité d’un projet peut ensuite être communiquée et mise en œuvre efficacement.
Utilisez la Boussole pour définir la Vision qualité et les objectifs de votre projet.
Les retombées de la qualité
La qualité en design et en architecture est l’affaire de tous et de toutes puisqu’elle concerne nos milieux de vie où chaque composante teinte notre perception et notre expérience (p. ex. : la rue, l’école, l’hôpital, le commerce). Chaque lieu étant unique, il importe de bien saisir comment et dans quelle mesure un projet peut y contribuer et ainsi, pas à pas, projet par projet, des transformations s’opèrent sur de plus grandes échelles. La qualité étant multidimensionnelle, tous et toutes peuvent se donner le défi d’agir sur l’une ou l’autre des dimensions et ainsi générer des retombées et des bénéfices de nature et d’envergure variables.
Par exemple :
Une bibliothèque, qui offre des services accessibles à tous et à toutes, des espaces de lecture et de travail flexibles et adaptables, des aménagements biophiliques connectés à la nature et des espaces communs partagés avec des organismes communautaires de quartier, contribue à la santé et au bien-être des usagers et usagères. Elle favorise également l’inclusion, l’équité et la diversité des clientèles et du personnel. On y observera une plus grande participation et mixité sociale aux programmes d’activités communautaires offerts, un sentiment d’appartenance communautaire plus affirmé et une plus grande rétention des bibliothécaires et des bénévoles.
Une place publique, dont l’organisation spatiale marie plusieurs fonctions et types d’espaces et qui offre du mobilier urbain facilement démontable et modulable, intègre des installations ou des œuvres d’art publiques contribuant au rayonnement de l’histoire et de l’identité propre du lieu et dispose d’une signalétique claire favorisant une cohabitation sécuritaire des modes de transport, génère aussi des retombées multidimensionnelles. Elle devient un symbole et sert de lieu de rassemblement aux communautés riveraines, elle permet à tous et à toutes de faire l’expérience du lieu à son rythme et, selon ses besoins, elle attire les visiteurs et visiteuses et favorise l’achalandage commercial des locaux adjacents.
Un parc, qui offre des espaces de repos et de jeux multigénérationnels, des aménagements riches en biodiversité, des sols perméables et des milieux humides ainsi qu’un système d’éclairage urbain sécuritaire à faible impact sur la biodiversité, génère des retombées positives tant pour les usagers et usagères que pour l’environnement. Il devient un repère paisible pour la communauté, un segment de plus pour reconnecter les corridors vert et bleu de biodiversité et une occasion de réinsertion de certaines espèces indigènes fauniques et floristiques en milieu urbain.
Une artère commerciale, dont la signature est distinctive, les espaces sont universellement accessibles et les aménagements sont adaptables en cas de crise sanitaire, attire les visiteurs et visiteuses à la recherche d’une expérience renouvelée, accueillante et sécuritaire. En plus de contribuer au rayonnement et au sentiment d’appartenance à l’échelle locale, cette vitalité commerciale attire les ménages et rallie les commerçants auprès de leur association locale pour plus d’actions et de retombées collectives.
Investir dans la qualité
L’architecture et le design marquent nos paysages (tangibles et intangibles) et reflètent les valeurs de notre société. C’est un bien commun, le legs que nous offrons aux générations futures, et il nous incombe de planifier nos actions et investissements dans une optique de responsabilité sociale.
La démarche participative menée dans le cadre de l’élaboration de l’Agenda montréalais pour la qualité et l’exemplarité en design et en architecture a fait ressortir que l’intégration de la qualité dans le processus de conception et de réalisation se heurte à divers enjeux organisationnels ou de gestion. Pour améliorer la démarche, six stratégies ont été élaborées.
Selon la nature et l’ampleur du projet, un plan de gestion de la qualité peut être établi de manière à cibler les stratégies et actions à mettre en œuvre pour maximiser ses retombées. Ce plan de gestion est en soi un investissement envers la qualité, puisqu’il requiert un temps de planification et de mise en œuvre ainsi que des ressources (humaines, matérielles et financières).
Comment mobiliser et engager les membres de l’équipe vers l’atteinte des objectifs de qualité du projet?
- En développant collectivement le plan de gestion de la qualité
- En nommant un ambassadeur ou une ambassadrice qualité
- En identifiant les bons profils d’expert
- En validant la disponibilité et la stabilité de l’équipe
Pour en savoir plus sur les stratégies de mobilisation et d'engagement des équipes.
Comment la communication peut-elle être un levier vers des retombées plus importantes pour le projet?
- En misant sur la transparence
- En co construisant l’expérience avec les usagers et usagères et les membres de la communauté
- En consultant un public élargi
Pour en savoir plus sur les stratégies de communication.
Comment imaginer l’expérience du projet, en allant au-delà des paramètres fonctionnels et techniques du programme, et en exprimant son essence?
- En effectuant des études préalables
- En s’inspirant de bonnes pratiques transférables
- En mettant la table à l’innovation
- En explorant divers scénarios
- En mettant au défi la vision préliminaire
- En ancrant la vision définitive dans les paramètres budgétaires et l’échéancier
Pour en savoir plus sur les stratégies d'idéation.
Comment structurer un mode d’octroi de la commande qui favorise la qualité en design et en architecture?
- Avec un processus d’appels d’offres qui privilégie la qualité
- Avec un processus de concours de design ou d’architecture
- En encourageant les maillages avec la relève
- En stimulant le marché
Pour en savoir plus sur les stratégiques d'approvisionnement.
Comment réexaminer et recadrer le projet durant l’étape de conception pour optimiser les pistes de solution et accroître la qualité du projet?
- En mettant en place d’un panel de design
- En mettant en place un laboratoire de prototypage
- En mettant en place un processus de conception intégrée et d’ingénierie de la valeur
Pour en savoir plus sur les stratégies de recadrage et d'optimisation.
Comment pérenniser la qualité du projet à long terme?
- En faisant l’analyse du cycle de vie
- En misant sur la flexibilité et la capacité d’adaptation
- En faisant un plan d’évaluation de la qualité
- En choisissant un ou une gestionnaire responsable de la qualité
- En contribuant à l’apprentissage collectif
Pour en savoir plus sur les stratégies de pérennisation.
Une recette accessible à tous
Dans l’ensemble, ces stratégies et actions parlent d’ouverture, de collaboration et de dialogue, soit une recette accessible à tous et à toutes, dans différents formats. Il incombe alors, individuellement, de se questionner sur les besoins et capacités d’action de son équipe, étape par étape. Quelles mesures mettre en œuvre pour favoriser la qualité du projet?
Utilisez l'exercice Opération qualité de la Boussole pour établir les stratégies et actions dans lesquelles investir.
La qualité, ce n’est pas un luxe
Investir du temps et des ressources à des moments clés de la démarche favorise la créativité et l’innovation, en plus de réduire les risques financiers directs et indirects futurs liés à des enjeux mal résolus en amont.
Trop souvent, nous voulons faire vite, avec peu, et les projets deviennent rapidement obsolètes. Ceci est lié à une mauvaise compréhension des potentiels retours sur l’investissement durant la démarche.
À très court terme, les projets dont les étapes de planification ou de conception ont été précipitées peuvent devenir de lourds fardeaux sociaux, environnementaux et financiers (p. ex. : levée citoyenne, manque d’engouement du marché, frais d’exploitation et d’entretien élevés, désuétudes et rénovations). Investir dans la qualité est donc judicieux à long terme.
En proportion, l’effort supplémentaire requis pour mettre en place une démarche de qualité aux étapes de planification et de conception représente habituellement 5 % des coûts totaux de réalisation d’un projet. Et les décisions qui sont prises à cette étape ont une incidence majeure sur les coûts d’exploitation et d’entretien subséquents.
De fait, la proportion des dépenses en planification et en conception diminue lorsqu’elle est mesurée par rapport aux coûts générés durant l’ensemble du cycle de vie d’un projet plutôt qu’aux seuls coûts de construction (le coûts de construction étant l’unité standard de calcul des honoraires professionnels).
Cette répartition relativise la part des coûts de conception dans la réalisation d’un projet. Il faut donc voir cette étape comme un investissement à long terme, sur l’ensemble du cycle de vie d’un projet, plutôt que comme une dépense à limiter au maximum.
Comprendre le cycle de vie d’un projet
« L’analyse du cycle de vie est une approche et un outil d’aide à la décision qui permet d’évaluer les potentielles retombées et impacts d’un produit ou d’un service, à toutes les étapes de son cycle de vie. »
CIRAIG, 2022
Cliquez ici, pour pérenniser la qualité sur l'ensemble du cycle de vie du projet.
Pour aller plus loin
Les dimensions et les retombées de la qualité
Gouvernement du Québec (2022). Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire ─ Mieux habiter et bâtir notre territoire ─ Vision stratégique, 33 pages.
Office fédéral suisse de la culture (éditeur) (2021). Système Davos de qualité pour la culture du bâti. Huit critères pour une culture du bâti de qualité – la recette complète. 83 pages.
Commission for Architecture and the Built Environment (2002). The value of good design – How buildings and spaces create economic and social value. 11 pages.
Investir dans la qualité
Commission for Architecture and the Built Environment, University College London, Department of Environment, Transport and the Regions (2001). The value of urban design. 113 pages.
Commission for Architecture and the Built Environment (2006). The cost of bad design. 66 pages.
L’enjeu du plus bas soumissionnaire conforme
Arsenault, J. (2021). La qualité plutôt que le prix, plaident ingénieurs et architectes. La Presse, 24 novembre.
Mc Donald,M.-A. (coll. Forgues, D.), (2022). “L’obligation du plus bas soumissionnaire – Frein majeur à l’innovation.” Formes, juin, Vol. 17 – No 2.